Histoire de Ressins (5) : biographie d'E. Gautier (suite)

Publié le par Ressins 2010


II. La vocation d'Etienne, sa formation artistique

     Etienne dut quitter le collège, sa santé s'y étiolait ;  ce tempérament impressionnable ne devait se fortifier qu'au milieu des siens, dans cette vie de famille qu'il adorait. Tout en préparant son baccalauréat, il prenait à Lyon ses premières leçons de peinture. Ce fut pour lui une heure de joie, l'heure sacrée de l'initiation, quand il tint pour la première fois une palette.
     Ses parents, hésitant encore à reconnaître sa vocation, l'engagèrent, après l'épreuve du baccalauréat, à faire son droit, et vinrent se fixer avec lui à Paris, en 1860. Il était possédé, plus que jamais, de ce que sa famille appelait en riant "le démon de la peinture". Sans maître, sans guide, n'ouvrant son atelier qu'à de rares amis, il travaillait du matin au soir, et souvent il se levait la nuit pour corriger ou achever une esquisse. Le droit semblait oublié, mais trois semaines avant l'examen il fermait son atelier, prenait ses livres, et, grâce à sa merveilleuse mémoire, il lui suffisait de quelques jours d'étude pour être reçu avec éloges. Ses parents, édifiés enfin sur sa vocation d'artiste, le laissèrent libre de suivre sa voie.
     Dès lors, pendant plus de dix ans, il se donna tout entier à l'art, travaillant sans relâche, avec passion, avec conscience, avec ferveur. Il consacra des mois et des années à un rude et solitaire apprentissage avant de livrer ses oeuvres au public. Ses maîtres furent les Primitifs italiens et allemands et les peintres de la Renaissance. Il visitait fréquemment les grands musées d'Europe, il copiait, comparait, lisait et amassait tout un trésor d'érudition artistique. Il séjourna ainsi en Allemagne (Nüremberge, Leipzig, Berlin, Dresde), à Vienne en Autriche, à Prague (République Tchèque).
     Mais l'Italie fut sa terre de prédilection : Vernise (où il séjourna un mois et demi !) dont il raconta son admiration de coloriste pour les jeux de lumière sur la mer, alors qu'il était allé voir poindre l'aurore sur la lagune. "De l'argent, de l'or et de l'azur, j'en ai plein les yeux. En quelques minutes, j'ai vu passer le ciel d'un bleu foncé au rouge, puis du rouge au jaune, et tout d'un coup le soleil s'est montré au fond du port entre les mâts des barques de pêcheurs, et alors toute la lagune m'a paru en feu... Du reste, du matin au soir, on voit partout à Venise des spectacles aussi beaux et variés à l'infini." écrivit-il à sa mère le 18 août 1869.
     Il visita également Brescia, Vicence, Mantoue ("Je viens de visiter les célèbres Jules Romain du palais de Té (...) mais ce que je n'ai vraiment pas pu comprendre, c'est la fameuse Guerre des géants dont on parle tant. Imaginez-vous une salle un peu moins grande que le billard de Ressins, avec les murs et le plafond couverts d'une centaine de colosses se roulant les uns sur les autres au milieu de rochers sans noms, et ayant l'air de vouloir vous tomber sur la tête". Il devait aussi séjourner un hiver à Rome ("N'oubliez pas de me donner des nouvelles de nos vendanges ; vous me dites qu'elles vont se faire, je n'y comprends plus rien, et il faut vraiment que vous soyez aussi avancés en France qu'en Italie" - lettre du 18 août 1869).
     Milan le retint plus qu'il n'avait cru d'abord. Dans un courrier , il fait allusion à La Vierge au Baldaquin : "Je compte faire une Sainte Vierge, votre patronne, entourée des saints de la famille : saint Charles, saint Etienne, sainte Mathilde et sainte Eugénie. Si je réussis cette entreprise, nous pourrons mettre le tableau dans notre chapelle de Nandax."
     Florence et Bologne le rappelaient sans cesse. A Florence, il retouvait Angelico de Fiesole : ces deux âmes devaient communier en une même élévation de pensée et de sentiment, une même foi délicate et scrupuleuse. Car Etienne Gautier pratiquait aussi les conseils évangéliques, et l'amour du bien égala, puis triompha en lui de l'amour du beau. Jeune homme, il aimait tant faire l'aumône, que le château de Ressins, envahi par les solliciteurs, serait devenu inhabitable si l'on n'avait modéré son zèle. Il considérait le dévouement et le don de soi comme inséparables de la charité.
     Pendant un de ses studieux séjours à Assise, une nuit, un terrible incendie éclate, consumant plusieurs maisons et menaçant de détruire tout un quartier de la ville ; les habitants accourent, gémissent et s'agitent dans le vide ; les femmes "versaient des flots de larmes dans leurs mouchoirs, mais pas une goutte d'eau sur le feu." Etienne s'élance au milieu d'eux, les entraîne, organise la chaîne, monte sur les toits pour juger de l'étendue du danger et des mesures à prendre ; il fait abattre un mur, isole ainsi le foyer de l'incendie et sauve la ville. Le lendemain, la population reconnaissante vient lui offrir le titre de citoyen, ainsi que les parchemins notifiant ses services.
                                                                                                                                A suivre.

Publié dans Un peu d'Histoire...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article